MON HISTOIRE
❝Faites original, et essayez d'y intégrer une description morale.❞
La vie peut basculer d'un moment à l'autre. Quelques secondes, un choix, une décision, un pas, un mouvement, un sourire, tout, tout ce qui constitue la vie, tout ce qui constituait ma vie a été détruit. Vous savez, cette époque où le monde était rose, où tout allait bien, où vous étiez heureux, où vous ne pensiez pas que tout pourrait basculer tellement la vie effleurait la perfection. Bien sûr, il y avait des hauts et des bas, avant, des disputes, des pleurs ; mais cela arrive partout, cela nous rend plus humains d'avoir nos défauts. Ce que j'avais appris de ça, de ce chapitre de ma vie, était qu'on n'était personne, seul. Quand on est entouré, on sait qu'on a une certaine importance dans la vie des gens, on sait que quelqu'un nous attendra pour dîner, le soir, que quelqu'un s'intéressera à telle note reçue à l'école, que cet intérêt soit sincère ou non. Et puis on pourra sourire, se détendre, être soi, tout simplement. La routine paraît parfois ennuyeuse, mais elle est tellement mieux que le néant. Ce vide oppressant, cette inexistence. Autrefois, dans cette maison, il y avait des pleurs, des rires, des cris, des discussions un peu partout. A présent, il y avait le silence. Chaque parcelle de cet endroit était rempli d'odeurs, de couleurs, de souvenirs. Chaque pas de plus ici m'étouffait, m'asphyxiait. Je sortis de la maison en claquant la porte, avec de l'argent, simplement de l'argent sur moi. Je ne voulais plus d'habits achetés avec eux, de bijoux qui leur appartenait. Je voulais oublier. Pourtant, comment oublier en marchant vers cette même direction qui avait ruiné ma vie ? Pourquoi avoir pris le chemin de la mort et pas un autre ? Car oui, ce chemin vous ôtait la vie. Et si vous en revenez, vous vivrez un enfer. Je repris ce chemin de la mort, une dernière fois, pour y trouver le courage de ne plus jamais y retourner. Cette logique paradoxale avait un côté rassurant, et chacun de mes pas douloureux devenait motivé. C'était la dernière fois que je me rendrais là-bas. J'approchais du lieu, doucement, par respect, par crainte?- je ne sais pas. Et puis, dans ma course lente, je m'arrêtais brusquement. Il était là, là, à cet endroit. Il ne pouvait pas... Il n'avait pas le droit ! Je voulus m'enfuir en courant mais mes jambes ne m'obéirent pas, me menant inévitablement vers lui. Il se retourna, et je croisai son regard, qui me transperça plus violemment que n'importe quel poignard n'aurait pu le faire.
** Flashback **
La neige, la glace, un quotidien. Pourquoi s'inquiéter ? En Russie, les hivers sont glaciaux, mais quand on y a passé toute sa vie, on s'habitue. C'est pourquoi personne ne s'inquiéta en montant dans cette voiture, prenant la route quotidienne de l'école. Tout le monde était là, se rendait à la fête - nous avions même du retard, et personne ne traînait plus dans les rues. Nous étions en retard à cause de moi, stressée, excitée, qui sautait partout. Une fête banale, pourtant, où toute la famille était conviée. Dix minutes de retard, raison pour laquelle mon frère, au volant, accéléra. Je ne sais pourquoi la voiture en face était elle aussi en train d'appuyer sur le champignon, mais de toute manière, le résultat fut désastreux. D'abord, il y eut le choc. J'entendis le pare-brise voler en éclat, le dérapage des roues sur le sol, et je compris ce qui allait se produite avant que cela n'arrive. Je n'arrivais pas à parler, tout se passait trop vite. La vitesse de la voiture d'en face nous propulsa vers la droite. Vers l'arbre. Deuxième choc. Les vitres explosent. Des cris, des sanglots. Et, pour finir, l'arbre qui tombe. Troisième choc. Je n'entends, ne vois plus rien. Il y a juste ce silence après les tempêtes, ce silence dangereux où aucune autre respiration que la vôtre n'est perceptible. Je sombre dans l'inconscience.
Lorsque j'ouvre les yeux, tout est blanc, douloureux. La neige. Et puis je vois une silhouette. Mon frère ? Mon père ? Non. Un inconnu. Qui? Je ne sais pas. Je ne le connais pas. Il se rapproche, me parle doucement. Je ne comprend pas ce qu'il me dit. Il a des yeux d'un bleu réconfortant, et un air sympathique. Je souris avant de tomber une deuxième fois dans les pommes.
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C'est le même, j'en suis sûre. La troisième fois, je me suis réveillée à l'hôpital. Seule. J'étais la seule à m'en être sortie. Dans la voiture d'en face, une autre victime de la route. J'étais seule, seule, seule. Seule. Personne ne serait là, à la sortie, ne me réconforterait, ne me préparerait de chocolat chaud ou me dirait que tout va bien. Puisque rien n'a jamais été pire. J'étais hors de la voiture quand on m'a trouvée, et étonnemment, je n'étais pas morte - ni du choc, ni du froid. Aucun homme au regard de l'azur n'a pu être témoin de la scène. J'ai un léger traumatisme crânien - ce qui explique peut-être mon hallucination, un bras cassé, des plaies multiples.
Lorsqu'on me tend un miroir, je ne suis pourtant pas trop amochée. J'ai toujours mon regard clair, les cheveux blonds, mon visage fin, enfantin. Mes lèvres sont gercées, ma joue légèrement entaillée, mais c'est presque irréaliste, cette image lointaine d'une moi comme avant alors que tout est chamboulé à l'intérieur. J'ai un teint pâle, et je parais plus fragile encore que d'habitude. Un des infirmiers a dit que je devais être un ange, que seul un miracle avait fait que je puisse survivre. Je ne suis pas un ange. C'est à cause de moi, du temps que j'ai mis pour me préparer qu'on est parti en retard et qu'on a eut cet accident. Et puis, je suis vulnérable, je me déteste. Je ne serais plus jamais comme ça. L'ange de ce monsieur sera à présent un démon. Parce que c'est la seule manière de survivre, de ne pas souffrir. Ne rien ressentir. Être un monstre. Et c'est ce que je serais... Un autre a parlé de coup de chance. De la chance ? Je suis seule...
Et là, devant moi, cet homme que je reconnais. Qui m'a peut-être sauvée, qui m'a sortie de la voiture. Qui n'aurait pas dû. J'aurais dû mourir, avec les autres, comme les autres, sans favoritisme du destin. Je ne le méritais d'aucune manière ; en plus, je me retrouvais seule. Solitude, que ce mot est effrayant... Mais je ne suis plus seule. Il est là. Le temps que je cligne des yeux, il disparaît. Des bras agrippement par derrière, et une douleur phénoménale me transperce On m'a mordu. Au cou. Alors, sur ce chemin de la mort, je m'écroule une dernière fois, tandis que mon sang macule la neige d'un rouge éclatant.
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