La Maison des Hard Cloud était calme, apaisante. Le silence était maître, comme toujours. Seuls deux Hard Cloud particulièrement bavards se chuchotaient quelques mots à l'oreille. Assise sur mon fauteuil préféré, je lisais. Ma respiration était régulière, un léger sourire flottait sur mes lèvres alors que le personnage principal de mon bouquin, un espion, était en pleine action. Je ramenai mes jambes contre poitrine, sans arriver à détourner mon attention des mots qui défilaient devant mes yeux. Je me sentais étrangement bien, ici. Je n'avais pas à me poser de questions, tout le monde me ressemblait chez les Hard Cloud. Pas de Black Moon, pas de Dangerous Hurricane. Bref, le bonheur totale. Je n'avais pas à craindre qu'on m'insulte, ou quoi que ce soit d'autre. J'aimais donc beaucoup passer des heures ici, et je faisais tout pour y être le plus souvent possible.

Je sursautai lorsque j'entendis mon nom. Je regardai autour de moi. Tout le monde avait levé la tête et me jetait de timides regards. Je n'avais donc pas rêvé. Je me levai doucement, et posai mon livre sur le siège, en marquant la page à laquelle je m'était arrêtée. Je compris que la voix qui m'avait appelée venait de l'extérieur. Je me plaçai sur la trappe qui permettait aux Hard Cloud de sortir de la salle commune. « Fais moi sortir, s'il te plait. » Je fis secouée par un léger remous, et je commençais à descendre sous-terre. La trappe m'emmena ensuite à gauche, et elle me remonta. J'apparus dans le couloir juste devant la salle commune des Hard Cloud. C'était assez impressionnant pour celui qui voyait cela pour le première fois. Apercevoir un tête sortir du sol, puis un corps en entier ! Etrange ! La trappe devait reconnaître les Hard Cloud, et les Hard Cloud devait être les seules à distinguer la trappe dans le sol du couloir. J'inspirai un bon coup, relevai la tête et écarquillai les yeux.

Draco. Que venait-il faire là ? Je me grattai la tête. Avais-je oublié quelque chose ? Non, rien ne me venait à l'esprit. Ma surprise fut vite remplacée par de la colère. « Draco ?! » Mes yeux commencèrent à s'embuer, alors que je me mis à imaginer Anastasia, une ancienne amie, disons, dans ses bras. « Comment est-ce que tu peux oser venir me voir ? » J'inspirai un bon coup, ne voulant pas me montrer faible et pleurer devant lui. Je ne voulais pas qu'il voit à quel point il me faisait du mal chaque jour en changeant de petite amie comme de caleçon. Il était planté en face de moi, comme si de rien était. Il était décontracté, irrésistible. « Laisse moi deviner ... Tu viens de plaquer une pauvre fille, tu t'ennuies, alors tu t'es dis que je pourrais peut-être te servir de roue de secours ? » J'avais de plus en plus envie de pleurer, j'étais incapable de le regarder dans les yeux. Les élèves qui passaient à côté de nous nous dévisageaient, j'en entendis un pouffer en entendant ma réplique. Je détestais cela. Je reculai d'un pas. « Va voir Anastasia, elle t'accueillera à bras ouverts. » Je reculai encore afin de me placer sur la trappe. J'étais prête à lui ordonner de me ramener chez les Hard Cloud.

APOLOGIZE

Alors qu'il mit ses mains dans ses poches et baissa la tête, j'en profitai pour écraser une larme sur ma joue. Non, ne pas craquer. Être forte. Je l'étais tous les jours, et j'explosai en général lorsque j'arrivais dans mon dortoir. Il m'arrivait de ne pas tenir et d'éclater en sanglots au milieu d'un couloir. Le voir avec des filles que je ne connaissais que de vu était difficile, mais avec Anastasia, ça l'était bien plus. Je la considérais comme mon amie et j'étais certaine qu'elle savait ce que j'avais vécu avec Draco. Comment pouvait-elle me faire cela ? Bon, d'accord, je n'étais plus en couple avec lui. Mais elle n'avait pas pu ignorer tous les regards que je lui jetais ! Etait-elle idiote ou aveugle ? Je me demandais vraiment. Anastasia enchainait d'ailleurs les gaffes. Elle avait aussi envoyer de la glace pillée (l'Elite de Underground appelait ça "slusher") au visage de Oli, une de mes très bonnes amies. Alors, n'en avait-elle finalement rien à faire de moi ? Je ne comprenais plus rien, tout me dépassait. Je ne comprenais pas pourquoi Draco venait me voir alors que j'essayais à tout prix de l'oublier, même si j'avais conscience d'en être incapable. J'étais bien trop attachée à lui. Pouvais-je oublier si facilement la première personne à qui je pensais en me réveillant chaque matin, et la dernière à qui je pensais en m'endormant chaque soir ? Non. Etait-ce malsain d'être aussi accro à un garçon avec lequel j'étais séparée depuis un petit moment maintenant ? Je ne posais pas la question, car je me savais incapable de prendre mes distances.

Je l'écoutai sans broncher, même si je bouillais intérieurement. J'avais envie de crier, et de pleurer en même temps. J'aurais voulu lui envoyer une dure réplique et retourner dans mon cocon, comme l'aurait fait Anastasia ou Alexandra, celle dont j'étais la victime préférée, mais je n'y arriverais pas. Pourquoi ? Peut-être parce que je n'avais pas un prénom commençant pas A ... Non, j'avais bien trop peur de me ridiculiser. Surtout devant lui, c'était bien la dernière des choses à faire. Lorsqu'il approcha ses mains de mon visage, je fermai les yeux en retenant ma respiration. Je refusais tout contact physique avec lui. Il s'approcha, s'approcha. Je ne pouvais plus reculer, le mur derrière moi m'en empêchait. J'aurais voulu posséder le don de disparaître. J'aurais voulu fuir, lâchement. J'inspirai, profondément, en essayant de calmer mes nerfs.

« Qu'est-ce que je lui reproche ? Je lui reproche de se foutre de moi. Elle sait très bien que ... Oh, et puis laisse tomber. »

Je passai une main dans mes cheveux blonds, évitant son regard.

« Je te manque ? »

J'eus un rire qui sonna nerveux. Je me maudis intérieurement.

« Dis moi, est-ce que ça fait parti du petit discours que tu sors à chaque fois ? »

Après qu'il ait rompu, j'étais persuadée de n'être qu'une fille de plus, une à noter sur sa liste interminable de conquêtes. Nous étions sortis ensemble quelques mois. Je ne l'avais jamais vu rester aussi longtemps avec une fille, habituellement. Je m'étais beaucoup attachée à lui, j'avais aveuglement fait confiance en Draco. Jusqu'à ce qu'il me lâche, qu'il me laisse sur le bas-côté. Comme une merde. Je m'étais renfermée sur moi-même, encore plus. Je n'avais plus mes repères. Celui auquel je tenais le plus venait de me glisser entre les doigts.

« Et puis qu'est-ce que tu veux ? Si tu voulais simplement me voir, voilà, ça y est, tu m'as vu. Au revoir, Draco. »

Je le regardai cette fois dans les yeux. Mais mon regard ne reflétait pas la détermination que je me forçais à ressentir. Non, mon regard était triste, j'étais complètement perdue.

Cause you are my Heaven ...

J'avais l'habitude d'observer Draco de loin, de me ronger les ongles en espérant qu'il soit enfin seul, qu'il me voit enfin, que je cesse d'être invisible à ses yeux. Mais il me décevait à chaque fois en embrassant une fille par ici, en enlaçant un autre canon de beauté par là. Je me sentais tellement ... nulle dans ces moment là. Sans s'en rendre compte, le beau Warm Sun me rabaissait tous les jours plus bas que terre. Jamais je ne pourrais rivaliser avec ce genre de filles que Draco affectionnait tant. Je me contentais donc de l'observer, de me souvenir à quel point il avait été tendre, gentil et compréhensif avec moi. Avait-il été capable de faire semblant pendant deux mois ? Je le savais capable de beaucoup pour garder intacte sa réputation de tombeur au sein d'Underground.

Draco me rattrapa, et au fond de moi, j'avais espéré très fort qu'il le fasse. Me trouver si proche de lui d'un coup était un peu étrange. Complètement étrange. Mais mon Dieu, qu'est-ce que cela me faisait du bien ! Cela me faisait en même temps tellement souffrir ... Sentir son parfum, redécouvrir chacun des traits de son visage, ou sa façon de me regarder. Tout cela m'avait manqué, terriblement manqué. Mais je savais qu'il allait bientôt s'éloigner et jouer le rôle du petit ami parfait avec une autre que moi. Comment devais-je réagir à cela ? Devais-je lui en vouloir ? J'en étais incapable.

Toutes mes pensées se dissipèrent totalement lorsque le jeune homme commença à parler. Mes yeux faisaient la navette entre ses propres yeux et sa bouche. Je le dévorais complètement des yeux. Ce qu'il disait me rendait encore plus gaga. Quelle femme normalement constituée serait insensible à cela ? Lorsqu'il avoua qu'il m'aimait, mon coeur fit un énorme bond dans ma poitrine. Je le regardai dans les yeux, essayant d'y déceler une pointe de sincérité. Je n'y vis que cela. Je le sentis se rapprocher, puis se coller à moi. Non, il ne fallait pas, qu'il m'embrasse ... Mais j'en avais tellement envie ... Mais non, c'était malsain, non ...

Il m'embrassa. Dix mille sensations se bousculèrent au fond au moi, toutes plus intenses les unes que les autres. Instinctivement, je plaçai ma main sur sa joue, comme avant. Draco mit fin au baiser, qui fut bien trop court à mon goût.

« Anastasia sait très bien que ... je suis accro à toi, que je passe mon temps à penser à toi. Elle n'avait juste pas le droit de me faire ça. »

Ma voix flancha sur le dernier mot, prouvant que j'étais vraiment atteinte par ce qu'Ana avait osé me faire. Je baissai la tête, et me sentis rougir, ma timidité reprenant le dessus. Je venais de laisser tomber ma main, qui, au passage, frôla la sienne. J'avais vraiment envie et besoin de lui témoigner ce que je ressentais. Je me jetai à l'eau, qu'avais-je à perdre ?

« Te rends-tu compte ? Tu me demandes de te regarder t'éclater sans rien dire. Franchement, tu te conduis comme un salop. »

Je haussai les épaules.

« Il faut croire que j'aime les salops ... »

J'esquissai un sourire triste, puis je m'approchai de lui, et déposai un léger, très léger baiser sur ses lèvres.