C'est mon problème ! [ PV Ana ]

J'avais croisé Ana, ma filleule, dans la matinée. Elle me semblait bien soucieuse par rapport à d'habitude. Je n'avais pas eu le temps de lui demander les causes de son/ses tracas car une petite Hard Cloud m'avais percuté de plein fouet, manquant de peu de me renverser. Ne pouvait-elle pas regarder où elle mettais les pieds elle ?! Je l'avais fixé droit dans les yeux en lui demandant de s'excuser ; ce qu'elle fit bien sûr sur le champ. Ce n'en était même plus drôle. Je n'en retirais aucun plaisir. Car elle était tellement terrorisée par ce qu'il pourrait lui arriver qu'elle était quasiment prête à s'humilier toute seule. Elle se baissa pour ramasser ses affaires en vitesse et voulut partir mais je l'attrapais par le bras et la poussais contre le mur. Elle trébucha, essaya de se rattraper au mur lisse et dur derrière elle mais, elle finit tout de même par s'étaler lourdement sur le sol. Je souris, contente de moi puis, je partit à mon cours en martelant le sol de mes talons aiguilles.

La journée s'acheva rapidement et Anastasia m'étais totalement sorti de la tête. Quand vint l'heure de manger et que je la vis pour la seconde fois de la journée dans un état second, les questions se bousculèrent dans ma tête. Malheureusement, je n'avais pas le droit d'aller à la table des Dangerous Hurricane donc toutes mes questions resteraient un moment en plus sans réponses. Je me dépêchais de finir mon bol de sang car la soif se faisait de plus en plus sentir, serrant ma gorge. Malgré que je sache me contrôler, je n'appréciais pas vraiment le manque de sang. Je n'avais attendu personne pour me lever et sortir du réfectoire. D'ailleurs, j'étais une des premières qui sortait, chose très rare.

J'étais monté dans ma chambre et je m'étais allongé à plat ventre sur le lit. J'étais pour l'instant seule, mais mes camarades ne devraient pas tarder. Mes jambes martelaient l'air au rythme des phrases qui défilaient dans ma tête. En effet, j'avais un examen le lendemain, d'où le livre ouvert devant moi. Ce n'est pas que je craignais pour mes notes, mais je n'étais pas un génie, il fallait que je relise au moins une fois tout ce que j'avais écrit.

Puis les filles entrèrent dans la pièce en rigolant, comme souvent. Cela ne me dérangeais pas, j'étais tout à fait capable de réviser tout en entendant des éclats de rire à côté de moi. C'est d'ailleurs une des principales raisons pour lesquelles je ne les envoyais pas rire ailleurs. Puis une tête plus familière entra à son tour dans la pièce. Anastasia. Et une fois de plus, toute les questions me revinrent.

« Eh Ana ! Assieds-toi, ça à pas l'air d'aller, tu veux en parler ? »

Douloureuse matinée. J'ouvris les yeux avec difficulté et maudis encore inefficacité des cours de maîtrise d'un don. En effet, je tentais depuis un moment de contrôler les venues de mes visions, de ces flashs indésirables dans la vie de tous les jours qui arrivaient sans prévenir et parfois la nuit. Ce qui me la gâchait considérablement, car il était souvent impossible de fermer les yeux ensuite. Je me posais des tas de question où m'inquiétait, même en sachant parfaitement que c'était inutile puisque ce que je voyais était révolu, passé, terminé. En apprendre trop sur certaines personnes est parfois difficile. Quand on idéalise quelqu'un et que ses défauts nous éclate à la figure, c'est parfois gênant... Au moins, ce don m'ouvrait les yeux et m'évitait de rester avec des gens au passé trop douteux. Même si on ne choisit pas ce qu'on a vécu... Ce que je vis là était plus qu'étrange. Une gamine de dix-onze ans vidait de son sang un petit garçon du même âge, y prenait visiblement un plaisir incommensurable et se réjouissait, même sous les cris de moins en moins déterminés de celui qu'elle transformait en cadavre. Je voyais de brèves images, étonnamment nettes, et les deux mots les plus révoltants et les plus marquants dans cette histoire étaient jeunesse et plaisir. Car il était certain au doux visage de la petite fille qu'elle n'avait pas encore douze ans, et qu'elle ne voyait pas le mal qu'elle créait.

Ce ne fut qu'une fois qu'elle lâcha le corps que je vis son visage en entier, et, même si la petite fille n'en était plus une, je reconnus immédiatement ce visage. Ce minois souriant qui se léchait les lèvres. Je me réveillais et m'empressais de rejoindre les toilettes pour y vomir tout ce que je pouvais. Je ne savais même pas être capable de vomir, mais j'étais tellement... Dégoûtée, choquée, perturbée... Le pire, c'était que j'enviais presque cette gamine. Et que j'avais envie de tuer quelqu'un et de le vider de son sang, là, maintenant, à quatre heures du matin. Je me rinçais le visage. Me recouchais. Me retournais dans mon lit une bonne de dizaine de fois, tout en retournant cette question dans tous les sens intérieurement.
Car oui, si Alexandra avait tué auparavant, était-elle la Meurtrière ?

Mes visions étaient souvent des choses inintéressantes, ou, au contraire, des mises en garde à garder à l'esprit. Qu'était-ce cela ?
Cette nuit-là, je ne refermais pas un seul œil.

Matinée douloureuse, donc. Comment se lever quand on a passé la moitié de la nuit à se questionner sans avoir trouvé de réponse. Au petit-déjeuner, je bus deux bols de sang avec avidité et mépris pour moi-même. J'étais un monstre. J'avais vu un gamin d'une dizaine d'années se faire tuer et, plus que de la révolte, j'avais éprouvé une envie dérangeante. Déplacée. Malsaine.
La journée passa lentement. Chaque minutes qui passait sur une horloge me rappelait que je ne parviendrais pas à dormir cette nuit non plus si je n'allais pas voir Alexandra.

Alors, après le repas du soir et des regards interrogatifs de la part de cette dernière, je décidais d'aller la voir. Je donnais une excuse idiote à mes amis, et, tout à fait conscients que cela n'était pas la réelle raison de mon étrange envie de partir, ils me laissèrent m'en aller. Je suivis un groupe de Black Moon de loin et pénétrais dans leur maison. Ce n'était pas la première fois mais je ne me sentais toujours pas totalement à l'aise. Cet endroit était assez effrayant, même pour moi. Et les Black Moon qui savaient que je n'étais pas des leurs et qui s'approchaient de moi l'étaient encore plus.
Je repérais vite Alexandra et me dépêchais d'avancer dans sa direction. Elle me vit immédiatement, et, malgré le livre qu'elle semblait étudier, je me décidais de lui parler maintenant.

« Eh Ana ! Assieds-toi, ça à pas l'air d'aller, tu veux en parler ? »

Je m'assis donc à ses côtés. Même si Alexandra était gentille avec moi, je savais que si je lui parlais de son passé, elle pourrait m'en vouloir. On ne veut pas forcément parler de faits révolus. Et c'était indiscret. Alors je préférais la mettre en garde, si je puis dire.

« Effectivement, je ne suis pas en pleine forme... Mais c'est parce que je me pose des questions. Et je ne suis pas sûre que tu aies envie de les entendre. »

Je fis une légère pause avant de poursuivre, déterminée malgré tout ;

« Mais je crois vraiment que c'est...Nécessaire. »

J'attendis de voir sa réaction avant d'aller plus loin, pour savoir si elle se doutait un instant de l'origine de ces fameuses questions. Et si elle avait envie de les entendre. J'étais légèrement crispée, et me traitais intérieurement de trouillarde, avant de détendre mes muscles. Après tout, Alexandra ne me ferait jamais de mal... Pas vrai ?

Elle s'assit sur le lit à mes côtés et commença à parler.

« Effectivement, je ne suis pas en pleine forme... Mais c'est parce que je me pose des questions. Et je ne suis pas sûre que tu aies envie de les entendre. » Pause « Mais je crois vraiment que c'est...Nécessaire. »

Elle avait de gros cernes, elle ressemblait un peu à un zombie. A mon avis, elle n'avait pas beaucoup dormi cette nuit. Était-ce à cause de son don ? Elle m'en avait parlé quelques fois. Des visions de passés de gens l'envahissaient à toute heure de la nuit ou de la journée. Et je me doutais bien que ces visions n'étaient pas toujours joyeuses avec des bisounours et des câlins. Donc pour se rendormir après avoir vue l'horreur, il fallait être assez fort.

Pas sûre que j'ai envie de les entendre ? Pensait-elle que ... Cela ne m'étonnerais pas. Beaucoup de gens ici le pensaient, je l'entendais à longueur de journée dans les couloirs, quand les autres pensaient que je n'écoutais pas. Avait-elle écouté les ragots ou bien c'était-elle forgé sa propre opinion de moi et de ... ça ?

« Tu crois que c'est moi ? Le meurtrier qui sévit. »

Un sourire narquois aux lèvres, c'était sorti si naturellement que ça en faisait presque peur. Je ne m'amusais pas à démentir les rumeurs car ce serait une perte de temps et d’énergie considérable pour rien. Et puis à vrai dire, cela m'amusais que les élèves me jettent des regards horrifiés ou glorifiant. Oui j'avais l'âme d'une meurtrière mais cela voulait-il dire pour autant que j'étais la coupable ?

Je reculais et m'adossais à l'oreiller, laissant mes jambes pendre sur le côté du lit, dans le vide. Je fixais les autres Black Moon qui, elles, fixaient le jeune Dangerous Hurricane assise sur mon lit. Tout le monde dans cet école était au courant qu'Anastasia était ma filleule, mais apparemment, cela posait un problème à mes camarades qu'elle soit entrée dans notre maison. D'ailleurs, elle était très courageuse de faire ça, car ce n'était pas la première fois qu'elle venait me voir ici. Plusieurs Black Moon ne se retiendrait sûrement pas de lui en faire baver si je n'étais pas sa marraine. Même si elle était bien plus dangereuse que beaucoup ici. Elle se contentait donc de regards noirs, chargés de mépris et de haine.

« Tu crois que c'est moi ? Le meurtrier qui sévit. »

Il n'y avait pas que cela, mais elle avait en partie raison. A mon grand étonnement, juste après avoir terminé sa phrase, elle sourit. Comme s'il était évident pour elle que je la crois coupable. Il fallait profiter d'une occasion où elle souriait pour lâche la bombe atomique. Mais j'avais peur. Oui, j'étais morte de trouille. Alors que je fréquentais plusieurs Black Moon, que j'avais vécu des choses diverses et peu joyeuses, que je parlais peut-être au Meurtrier, que j'étais dans leur salle commune alors que je n'étais pas une Black Moon et qu'ils me jetaient tous des regards noirs, j'avais peur. Pas de tout cela. Juste de la réaction de ma marraine.

« En fait, j'ai de meilleures raisons que ces commères de le penser. Même si je n'ai pas envie d'y croire. »

Autant préparer Alexandra à ce qui l'attendait. Mais mieux valait y aller doucement, ne pas tout lui lâcher à la figure. Les discussions autour de nous affluaient, les gens passaient devant nous sans oser regarder Alexandra dans les yeux mais en me fusillant du regard, comme si j'étais responsable de la peur qu'ils éprouvaient en la voyant. Comme pour me punir d'être entrée en me détestant. Mais je savais qu'ils n'iraient pas plus loin. Parce que, même si je n'étais pas dans la plus redoutable des maisons, j'étais crainte et respectée dans l'école, et que s'ils tentaient quoique ce soit, en plus de m'avoir moi et ma troupe sur le dos, ils auraient aussi Alexandra aux trousses. Et même les suicidaires masochistes préfèrent baisser les yeux quand elle pose son regard sur eux, alors les élèves à peu près normaux tenaient en place.

« J'ai eu une de mes visions, celles dont je t'ai parlé. Et cette fois, c'est toi que j'ai vu. »

J'attendis la réaction d'Alexandra une seconde ou deux. Je ne cherchais pas à savoir le passé des gens, je ne me contrôlais pas bien. Mais j'avais déjà dit à Alexandra que j'y travaillais. Allait-elle croire que j'espionnais volontairement son passé ? Que j'avais cherché à connaître ses secrets ?
Avouons-le, si je n'avais pas eu cette étrange vision, j'aurais bavé d'envie d'entrevoir le passé d'Alexandra. Parce qu'elle était mystérieuse, même avec moi, et ne parlais jamais de son passé ou de son don. Je ne lui avais pas raconté mon passé non plus, mais elle connaissait mon don. Elle me connaissait donc mieux que je ne la connaissais. Comment pouvais-je me vanter de connaître Alexandra et de la fréquenter alors que je ne savais même pas si elle avait des frères et sœurs ? Si elle était vampire de naissance ? Non, en fait, je ne savais rien d'elle. Et en plus de provoquer cette aura mystérieuse, ça la rendait plus dangereuse. On pouvait facilement la sous-estimer, même si personne ne s'y risquait. Et puis, finalement, je chuchotais, dans un murmure presque imperceptible pour que personne d'autre qu'elle n'entende, une petite question. Une simple question, qui, je le savais, aurait des conséquences. Une question qui s'échappa de ma bouche avant que je n'ai le temps de la formuler avec soin, avant que je ne puisse penser à la retenir. Cette question qui me brûlait les lèvres depuis mon arrivée ici. Je ne préférais pas connaître la réponse. Ou plutôt si...
En fait, cette question était la clé. La clé d'une porte mystère sur le passé de ma marraine. Mais je n'étais pas sûre de trouver un jour la bonne serrure. Et j'avais peur d'ouvrir une porte qui m'exploserait à la figure.

« Tu as vraiment tué ce gamin? »

Elle semblait ... effrayée ?

« En fait, j'ai de meilleures raisons que ces commères de le penser. Même si je n'ai pas envie d'y croire. J'ai eu une de mes visions, celles dont je t'ai parlé. Et cette fois, c'est toi que j'ai vu. »

Choque, surprise, peur, colère. Tout ces sentiments me traversèrent d'un seul coup. Je savais très bien qu'elle ne contrôlait pas ses visions, mais avait-elle voulu tellement fort voir mon passé qu'elle en avait eu une quand même ? Je m’évertuais, depuis mon arrivée ici, à dissimuler avec précaution tout ce qui avait attrait à mon passé. Et ce n'était pas une petite vision qui parviendrait à le dévoiler. Peut-être stressais-je pour rien ? Peut-être avait-elle vu je ne sais pas, ma naissance ou bien quand mes parents et moi buvions notre tasse de sang chaque jour...

« Tu as vraiment tué ce gamin? »

Mon visage n'était plus constitué que de deux grands yeux écarquillés et d'une bouche grande ouverte en forme de O. Ma mâchoire était tombée, j'étais tétanisée par le choque. Et rien qu'avec ces quelques mots, Anastasia parvint à me ramener en arrière, à l'époque de mon enfance. Ou l'insouciance n'était déjà plus maître de mes décisions. Ou la soif et le sang me dirigeait. Ou pour l'unique fois de ma vie, âgée de douze ans, je mordis dans le cou d'un humain. Le sang coulait à flot dans ma gorge, me revigorant. Je clignais des yeux. La soif s'intensifiait, serrant mon cou. Comment avait-elle oser découvrir cela de moi ?! La colère montait, doucement, petit à petit. M'aveuglant entièrement. COMMENT ?!! Je serrais les dents. Malgré qu'elle avait posé la question à voix basse, j'eus l'impression que tout les regards étaient fixés sur moi, sur nous. Sur la petite fille de l'époque qui avait les crocs plantés dans un cou tout frais. Sur le coup, je n'avais rien regretter, j'étais très heureuse de mon geste. Mais maintenant, c'était une autre histoire.

Je me tournais vers la Dangerous Hurricane. Je la fixais de mes yeux bleus-gris débordants de colère. C'était dommage que cela tombe sur elle, mais c'était comme ça. Mon pouvoir se déclencha sans que je le veuille. Comme un système d'auto défense. Je ne comptais absolument pas l'utiliser. J'arrêtais la vague de douleur qui parcourait Anastasia et me levais du lit, la surplombant de toute ma hauteur. Et d'une voix glaciale et tranchante je lâchais.

« Je ne sais pas si tu a fait exprès de découvrir ça, mais il vaudrait mieux pour toi que ça ne soit pas le cas. »

Alexandra me regarda. Je sentis immédiatement que j'avais fait une énorme erreur quand je vis à quel point elle paraissait énervée... Et surprise. Très désagréablement surprise. Méchamment surprise, je dirais même. Je me mordis la lèvre inférieure. Qu'y avait-il à faire quand on venait de déclencher une colère pareille à quelqu'un ? S'excuser, tout simplement ? Prier... ?

Et soudainement, alors que je ne m'y attendais pas, une douleur fulgurante me traversa. J'avais l'impression qu'on me plongeait dans un bain d'acide brûlant, qu'on me brûlait vive, ou qu'au contraire on me congelait sur place. Mes membres étaient engourdis, je ne pouvais plus bouger, plus voir, plus sentir, juste hurler de toutes mes forces, essayer d'échapper à ça. Que se passait-il ? Je n'en avais aucune idée. Je savais juste que j'avais mal. Désespérément mal. Que chaque partie de mon corps, même les plus futiles, du sommet du crâne au petit orteil me faisait souffrir le martyr. Comme si mon sang était devenu un poison, que mon cœur le propageait partout en moi. Un poison intensément douloureux.
Et puis, comme c'était venu, la douleur s'arrêta. J'ouvris péniblement les yeux... Avant de les refermer immédiatement. Je ne préférais pas voir cela. Des regards de pitié, ou encore amusés des Black Moon aux alentours. Leur silence. Leur air de "je te l'avais bien dit", ou encore " tu n'aurais jamais dû entrer ici, pauvre fille" était insupportable.

Je compris que j'avais vraiment crié de toute mes forces. Que j'avais dû basculer du lit puisque j'étais allongée au sol, et, pire que tout, j'avais sans doute versé quelques larmes, mon visage étant humide. Immédiatement, le visage déformé par la colère d'Alexandra me vînt à l'esprit. C'était elle ! C'était son don... J'étais juste terrorisée. Humiliée. Dégoûtée. Énervée. Je me rendis alors compte de sa présence. Elle était debout, sur le lit, encore furieuse.

« Je ne sais pas si tu a fait exprès de découvrir ça, mais il vaudrait mieux pour toi que ça ne soit pas le cas. »

Je me redressais alors. Sûrement aussi énervée qu'elle. Je savais à présent de quoi elle était capable. Je savais également qu'elle avait donc tué un petit garçon, qu'elle ne voulait pas en parler, et surtout, qu'elle avait un passé et un don carrément gores. Et injustes. J'étais démunie face à elle. Mais j'étais furieuse, surtout. J'avais posé cette question avec simplicité, et, même si elle était indiscrète, c'était juste de la curiosité. Et si son comportement m'effrayait, je ne pouvais pas la laisser avoir un tel dernier mot. J'étais scandalisée par sa réaction. Effrayée aussi, mais je ne pouvais pas laisser passer une telle humiliation. Même si elle était ma marraine, même si elle était Black Moon et que nous étions entourés de gens qui n'hésiteraient pas à me réduire en bouillie, je décidais de me relever.

« Je t'ai déjà dit que je ne contrôlais pas mon don ! Que voulais-tu que je fasse ? Je... Je ne peux même pas me défendre correctement, et puis ce n'est pas de ma faute ce qu'il s'est passé ! Si tu as fait des bêtises dans ton passé, assume-les plutôt que de passer ta colère sur moi ! »

Je tremblais autant que ma voix. De rage, de peur ? Aucune idée. Un mélange des deux, sûrement. Et puis je jetais un coup d'œil aux Black Moon qui me regardaient avec mépris, persuadés que j'allais recevoir une nouvelle correction.

« Et vous, mêlez-vous de ce qui vous regarde ! »

J'avais presque crié, au bord de l'hystérie et dans un état anormal, mais la plupart se détournèrent. Sûrement plus angoissés à l'idée qu'Alexandra soit dans le coup que par ma colère. Je fusillais aussi Alexandra du regard. Elle m'avait déçue. Humiliée. De manière injuste. Sans que je n'aie la moindre chance d'y échapper. Sans que je m'y attende. Je la trouvais lâche. Égoïste. Comment pouvait-elle m'en vouloir à ce point-là ? Que s'était-il passé, le jour où elle avait tué ce garçon ?
Je me forçais à calmer ma respiration. A me calmer tout entière. Je savais que la réaction d'Alexandra était, elle aussi, sûrement spontanée et donc irréfléchie. Je lui cherchais sûrement des excuses pour rien, mais elle était ma marraine. Nous étions obligée de nous supporter encore un moment. Ma tête bourdonnait. Je n'avais pas souffert physiquement depuis longtemps, la condition de vampire aidant. Cette douleur sans source ni raison m'avait mis en rogne. Sur les nerfs. Le manque d'habitude était sûrement un autre facteur. Mais je n'étais pas masochiste, tout simplement !

« Alexandra ; je n'aurais peut-être pas dû te l'annoncer comme ça ou t'en parler maintenant. Mais je pense que tu n'avais pas non plus à réagir comme ça. »

Elle hurlait, criait. Elle était violemment tombée sur le sol, mais elle continuait d'hurler à la mort. Comme si crier plus fort allait la délivrer de sa souffrance. Son visage était humide de larmes. Je regrettais de l'avoir humiliée devant toutes les filles de ma chambre. Quand j'arrêtais l'enfer que je venais de lui faire vivre, elle mit quelques secondes à reprendre totalement ses esprits, mais quand enfin elle leva les yeux vers moi, tout son être débordait de colère. Elle était furieuse et je la comprenait totalement. On n'entendait plus aucun bruit, signe que les Black Moon écoutait notre conversation et pire, qu'elles avaient vus ce que j'avais fait à Ana. Bien sûr, ce n'était pas volontaire, enfin un bout de mon être y avait pensé, mais je n'avais à aucun moment voulu lui faire du mal. C'était fait c'était fait ! Je n'allais pas me mettre à le regretter. Elle lança des éclairs furibonds aux Blacks Moons alors qu'elle se relevait. Je n'en attendait pas moins de ma filleule. Qu'elle se relève et qu'elle me regarde droit dans les yeux. Bien sûr, même avec moi, elle ne devait laisser passer aucun affront à sa personne, sinon, elle passerait pour une gamine faible qui ne se fait pas respecter. Elle devait me faire comprendre que j'étais aller bien trop loin.

« Je t'ai déjà dit que je ne contrôlais pas mon don ! Que voulais-tu que je fasse ? Je... Je ne peux même pas me défendre correctement, et puis ce n'est pas de ma faute ce qu'il s'est passé ! Si tu as fait des bêtises dans ton passé, assume-les plutôt que de passer ta colère sur moi ! »

Je souris. Satisfaite qu'elle m'ait clairement montré que je l'agaçait. Par contre, elle tremblait et sa voix aussi. Je ne m'étais pas retournée depuis le début de la conversation. Je n'avais pas daigné jeté un regard aux filles derrière moi qui regardait Ana avec mépris je le devinais. Cette dernière passa un peu de sa colère sur elles.

« Et vous, mêlez-vous de ce qui vous regarde ! »

J'étais tout à fait d'accord avec Anastasia. Aussi, pour que cette conversation reste privée et pour également me faire un peu pardonner, je dis d'une voix glaciale tout en fixant la Dangerous Hurricane.

« Cassez-vous sinon la prochaine personne à essuyer ma fureur sera l'une d'entre vous. »

Je n'avais pas haussé la voix. Ça ne servait à rien. Pas avec elles en tout cas. Les filles ne se le firent pas dirent deux fois et quittèrent la pièce pour ne pas être prises dans ma colère. Anastasia se calma. Je m'approchais doucement d'elle et d'un souffle je murmurais.

« Je ne regrette absolument rien de ce que je ne lui ai fait. Mais tu n'as pas le droit de juger mes actes. Tu ne me connais pas. Personne ici ne me connais. »

Je reculais et me laissais tomber sur le lit. Elle semblait encore un peu sonnée d'être tombée du lit. Ou peut être était-ce à cause de l'utilisation de mon don ?

« Alexandra ; je n'aurais peut-être pas dû te l'annoncer comme ça ou t'en parler maintenant. Mais je pense que tu n'avais pas non plus à réagir comme ça. »

Je soupirais. Oui mon attaque avait été spontanée et involontaire. Maintenant, étais-je prête à l'admettre ? Moi oui, mais mon orgueil non.

« Je ne m'excuserais pas pour m'être énervée. Maintenant, je n'aurais peut être pas dû t'attaquer. »

Venant de ma part, c'était des excuses. Et je n'en avait pas faites beaucoup dans ma vie. Pas que je ne voulais pas m'excuser, mais parce que je ne regrettais aucun de mes actes.

« Par contre, j'ai dissimuler mon passer avec précaution jusque là. Tu comprendras donc que je ne veux pas que tu divulgues toute cette... conversation. »

Je fis une pause, vrillant mon regard sur elle mais en souriant.

« Si quelconque à vent du petit garçon, je n'ai pas besoin de te montrer ce que je suis capable de faire. »

Non, je ne suis pas une grosse sadique ! Malgré tout, je ne voulais pas l'effrayer alors, je tentais de détendre l'atmosphère.

« Et sinon, ça va ? »

A quelques mots d'Alexandra, toutes les Black Moon de la pièce sortirent. Cette soumission me donnait envie de vomir - on ne choisit pas son don, mais Alexandra avait vraiment une arme de taille. Était-elle la meurtrière? Est-ce que je risquais quelque chose à rester seule avec elle dans cette pièce? Comment la regarder de la même manière maintenant? Ce petit garçon, était-il toujours en vie aujourd'hui?

« Je ne regrette absolument rien de ce que je ne lui ai fait. Mais tu n'as pas le droit de juger mes actes. Tu ne me connais pas. Personne ici ne me connais.
- Je ne veux pas te juger... Je veux juste te connaître. Et comprendre.
- Je ne m'excuserais pas pour m'être énervée. Maintenant, je n'aurais peut être pas dû t'attaquer. »

Je savais que cet phrase était un miracle. Une sorte d'excuse. Mais cette phrase tellement légère face à ma douleur me laissait un arrière-goût d'amertume.

« Par contre, j'ai dissimuler mon passer avec précaution jusque là. Tu comprendras donc que je ne veux pas que tu divulgues toute cette... conversation. Si quelconque à vent du petit garçon, je n'ai pas besoin de te montrer ce que je suis capable de faire. »

J'ouvris de grands yeux. Était-elle en train de me menacer? Quel secret en valait la peine ? Qui était ce petit garçon? Bien sûr, ça n'aurait pas été Alexandra, j'aurais réagit à l'inverse de son ordre. Mais j'étais encore agitée de légers tremblements, et le seul souvenir de la douleur suffisait à me faire taire. Je ne voulais pas souffrir. Mais je voulais savoir. C'était tellement... Compliqué. Une question avait tout fait basculé. Comment pouvais-je lui faire confiance, alors qu'elle pouvait péter un câble et me torturer à sa guise? J'avais bien sûr compris ce qu'elle avait dit, mais je n'avais ni envie de répondre, ni de hocher la tête. Cela aurait été une sorte de preuve que j'étais à sa merci. Que j'étais faible. Non, je ne bronchais pas.

« Et sinon, ça va ? »

Je haussais un seul sourcil, comme à chaque fois que je me demandais si la personne d'en face se foutait littéralement de moi ou était bel et bien sérieuse. Ne trouvant pas de réponse correcte, je décidais d'y répondre. Mais pas à propos de ma douleur physique toute récente. Non, je prenais son "ça va?" comme un "Et quoi de neuf?". J'étais blessée dans mon amour-propre, mais ce que venait de me faire subir Alex, c'était aussi un rappel de la douleur. Humaine, je me cognais un orteil contre un meuble, je me faisais griffer par le chat du voisin, je me prenais des gifles, j'étais souvent confrontée à la douleur. Aujourd'hui? Je faisais souffrir des sorciers ridicules qui ne m'avaient rien demandé. Et, comme je ne savais plus ce que c'était d'avoir mal, vraiment mal, je n'hésitais pas à leur infliger des petites douleurs, le sourire aux lèvres.
Alex devait m'apprendre à devenir méchante? Elle venait de m'apprendre le contraire. Je regrettais presque de faire mal aux autres tellement ce que je venais de vivre m'avait horrifiée. J'avais été tellement surprise...

« Oui, ça va. J'ai du ridiculiser une petite Hard Cloud pour qu'on me revoie comme la Terreur, puisqu'une idiote de ma maison avait lancé des rumeurs comme quoi j'étais amie avec eux. »

C'était sorti tout seul. Le mensonge que je servais à tout le monde depuis une semaine, je l'avais dit. J'espérais qu'Alexandra ne verrait rien... Parce que oui, j'avais lancé une boisson au visage d'une Hard Cloud, mais c'était parce que les rumeurs étaient fondées. Je m'étais liée d'amitié avec l'un d'entre eux, Heaven en l'occurrence. Elle m'avait tellement touchée, seule en train de pleurer, sans se plaindre à personne des humiliations dont elle était victime... Et là, Loli était entrée dans la pièce alors que je lui promettait que cela ne se reproduirait plus, que les vampires étaient des monstres... Loli n'avait pas répandu de simples rumeurs, mais bel et bien la vérité. J'étais parvenue à la discréditer cette semaine, mais en serais-je capable une prochaine fois ?

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